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12/03/2025 - Général

Tout sauf les USA ?

Depuis le début de l’année 2025, les investisseurs qui ont choisi de tourner le dos aux États-Unis pour se concentrer sur les marchés internationaux ont été largement récompensés. Les stratégies d’investissement dites "partout sauf en Amérique" ont brillé par leurs rendements remarquables, portées par des fonds internationaux ciblant des régions comme l’Europe et la Chine. Pourtant, malgré cet élan, l’ombre de l’économie américaine plane toujours, rappelant que même les succès les plus prometteurs restent vulnérables à une éventuelle récession outre-Atlantique. Cet article décrypte les raisons de cette performance, les dynamiques en jeu et les risques qui pourraient changer la donne.

📈 Une alternative séduisante

Les bourses européennes ont incontestablement volé la vedette en ce début d’année 2025. Des indices phares comme l’Eurostoxx 50, le FTSE 100 britannique, l’Ibex 35 espagnol, le DAX 40 allemand et le CAC 40 français ont tous affiché des progressions à deux chiffres, surpassant leurs homologues américains comme le S&P 500 et le Dow Jones, mais aussi le Nikkei 225 japonais, qui a connu une croissance plus timide. Selon les données préliminaires, l’Eurostoxx 50 a bondi de 16 % depuis janvier, tandis que le CAC 40 et le DAX 40 ont enregistré des hausses respectives de 14 % et 17 %, contre seulement 8 % pour le S&P 500.

Ce dynamisme s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les valorisations des actions européennes étaient, en début d’année, bien plus attractives que celles des États-Unis. Avec un ratio cours/bénéfices moyen de 13 pour l’Eurostoxx 50 contre 22 pour le S&P 500, les investisseurs ont vu dans l’Europe une opportunité d’achat à bon compte. De plus, les rendements par dividende, souvent supérieurs à 3 % pour les grandes entreprises européennes contre moins de 2 % pour leurs homologues américaines, ont attiré les amateurs de revenus passifs.

Cette vigueur est également alimentée par des politiques économiques favorables. La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu une approche prudente mais accommodante, soutenant les secteurs clés comme les énergies renouvelables et les technologies numériques. Par exemple, des entreprises comme Siemens (Allemagne) ou Iberdrola (Espagne) ont vu leurs cours s’envoler grâce à des contrats massifs dans l’éolien et le solaire, tandis que des géants du luxe comme LVMH (France) ont profité d’une demande mondiale soutenue pour les produits haut de gamme.

🌐 Entre espoir et fragilité

Si les marchés européens et chinois brillent, le tableau global reste plus nuancé. Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment revu ses prévisions pour 2025, anticipant une croissance mondiale de 3,3 %, en légère hausse par rapport aux 3,1 % de 2024, mais toujours en deçà de la moyenne historique pré-pandémique de 3,8 %. Cette progression modeste reflète des dynamiques contrastées : tandis que les économies émergentes comme l’Inde (+6,5 %) et la Chine (+4,8 %) tirent la croissance vers le haut, les pays développés, y compris l’Europe, peinent à accélérer.

En Europe, malgré les performances boursières, la croissance économique reste limitée. Le FMI table sur une progression de seulement 1,5 % pour la zone euro, freinée par la faiblesse industrielle de locomotives comme l’Allemagne et la France. L’Allemagne, en particulier, souffre d’une dépendance persistante aux exportations et d’une transition énergétique coûteuse, tandis que la France doit composer avec des tensions budgétaires et une consommation intérieure en berne. Ces faiblesses structurelles rappellent que les gains boursiers ne reflètent pas toujours la santé économique sous-jacente.

En Chine, la situation est différente mais tout aussi complexe. Après des années de turbulence, Pékin a surpris en 2025 avec des mesures de relance ciblées, notamment dans les secteurs technologiques et immobiliers. L’indice CSI 300 a ainsi grimpé de 19 % depuis janvier, porté par des entreprises comme BYD (véhicules électriques) et Tencent (technologie). Cependant, cette reprise reste fragile, dépendante des politiques gouvernementales et d’une détente incertaine des relations avec l’Occident.

⚠️ Un risque omniprésent

Malgré les succès des marchés internationaux, l’économie américaine demeure le pivot autour duquel tourne le monde financier. Avec un PIB représentant environ 24 % de l’économie globale et un marché de consommation colossal, les États-Unis influencent directement les performances des entreprises étrangères. En Europe, par exemple, des fleurons comme ASML (Pays-Bas), qui fournit des machines pour la fabrication de semi-conducteurs, ou Volkswagen (Allemagne), dépendent fortement des ventes aux États-Unis. Une étude récente de Morgan Stanley estime que 35 % des revenus des entreprises de l’Eurostoxx 50 proviennent d’Amérique du Nord.

Cette interdépendance devient problématique dans un contexte où les signaux d’alerte s’accumulent outre-Atlantique. L’inflation, bien que maîtrisée à 3,2 % en février 2025, reste au-dessus de l’objectif de la Réserve fédérale (Fed), qui a poursuivi son cycle de hausses de taux. Parallèlement, la confiance des consommateurs américains fléchit, et les économistes n’excluent pas une récession dès la fin de l’année. Si ce scénario se concrétise, la demande pour les biens et services européens pourrait chuter, entraînant une baisse des bénéfices et une aversion au risque sur les marchés mondiaux.

Les marchés émergents ne seraient pas épargnés. La Chine, par exemple, exporte encore massivement vers les États-Unis, notamment dans l’électronique et les équipements industriels. Une contraction de la consommation américaine pourrait donc freiner la dynamique chinoise, avec des répercussions en Asie et au-delà.

🔑 Une approche stratégique

Face à ces opportunités et incertitudes, les experts s’accordent sur un point : investir hors des États-Unis est une stratégie payante, mais elle exige une gestion rigoureuse. "La diversification géographique est essentielle en 2025, mais elle doit être intelligente", souligne Julien Moreau, analyste chez BNP Paribas. "Il faut privilégier les secteurs résilients, comme la santé ou les énergies renouvelables, tout en évitant une surexposition aux entreprises trop dépendantes des États-Unis."

Les investisseurs doivent également surveiller de près les fondamentaux économiques et les politiques commerciales. Par exemple, une escalade des tensions entre Washington et Pékin pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement et les marchés asiatiques. De même, les négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis, prévues pour l’été 2025, pourraient influencer les flux d’investissement.

Enfin, une évaluation régulière des expositions géographiques est cruciale. Les fonds indiciels (ETF) comme le Vanguard FTSE Europe ou le iShares MSCI China offrent une flexibilité pour ajuster les portefeuilles en fonction des évolutions macroéconomiques. Une couverture contre les fluctuations des devises, notamment avec un dollar potentiellement volatil, est également recommandée.

Un succès à nuancer

Les stratégies d’investissement "partout sauf en Amérique" ont incontestablement le vent en poupe en 2025, portées par des marchés européens et chinois en pleine effervescence. Pourtant, leur dépendance implicite à l’économie américaine reste une épée de Damoclès. Pour les investisseurs, l’enjeu est double : saisir les opportunités offertes par ces régions dynamiques tout en se préparant à une éventuelle tempête venue d’outre-Atlantique. En gardant un œil attentif sur les évolutions économiques mondiales et en adoptant une gestion proactive des risques, ils pourront naviguer avec succès dans ce paysage complexe où l’influence des États-Unis, bien que contestée, demeure incontournable.

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