03/03/2025 - Général
L’"Accord de Mar-a-Lago" : une révolution monétaire en gestation ?
Depuis le début de l’année 2025, Wall Street est en ébullition autour d’une idée audacieuse : l’"Accord de Mar-a-Lago". Ce concept, qui tire son nom de la résidence floridienne de Donald Trump, évoque une possible refonte de l’ordre monétaire mondial, avec pour objectif principal d’affaiblir le dollar américain et de rééquilibrer l’économie globale. Mais comment cet accord pourrait-il fonctionner concrètement, et quelles seraient ses implications pour les marchés financiers ? Voici une analyse détaillée.
Qu’est-ce que l’"Accord de Mar-a-Lago" ?
L’"Accord de Mar-a-Lago" n’est pas encore une politique officielle, mais une hypothèse débattue avec ferveur parmi les investisseurs, les analystes et les décideurs politiques. Inspiré par des précédents historiques comme l’Accord de Plaza de 1985 ou l’Accord de Bretton Woods de 1944, il s’agirait d’un pacte multilatéral visant à restructurer les relations économiques internationales. L’idée a été popularisée par Stephen Miran, nommé par Trump pour diriger le Conseil des conseillers économiques de la Maison Blanche, dans un document publié en novembre 2024 lorsqu’il était encore stratège chez Hudson Bay Capital.
Le cœur de cet accord repose sur trois objectifs interconnectés :
- Affaiblir le dollar américain pour rendre les exportations américaines plus compétitives et réduire les déficits commerciaux.
- Restrucurer la dette américaine en transformant les obligations du Trésor à court et moyen terme, détenues par des créanciers étrangers, en titres à très long terme (par exemple, des obligations à 100 ans sans coupon).
- Utiliser des leviers comme les tarifs douaniers pour contraindre les partenaires commerciaux, notamment la Chine et l’Europe, à adhérer à cette nouvelle structure.
Comment fonctionnerait cet accord monétaire ?
Le fonctionnement de l’"Accord de Mar-a-Lago" repose sur une combinaison de mécanismes financiers et de pressions géopolitiques. Voici les principales étapes envisagées :
-
Dévaluation concertée du dollar
À l’image de l’Accord de Plaza, qui avait vu les grandes puissances coordonner leurs efforts pour déprécier le dollar face au yen et au mark allemand, l’"Accord de Mar-a-Lago" impliquerait une intervention coordonnée sur les marchés des changes. Les États-Unis pousseraient leurs alliés (Japon, Union européenne, etc.) à renforcer leurs propres monnaies face au dollar, potentiellement via des achats massifs de devises étrangères ou des ajustements de politiques monétaires. Cependant, avec un marché des changes mondial atteignant 7,5 trillions de dollars par jour, ces interventions seraient coûteuses et complexes. -
Restructuration de la dette américaine
Un élément radical de cet accord serait la conversion forcée des obligations du Trésor américain détenues par des créanciers étrangers (comme la Chine, avec environ 867 milliards de dollars, ou le Japon) en obligations à très long terme, comme des titres à 100 ans sans intérêt (zero-coupon bonds). Cela réduirait les paiements annuels d’intérêts des États-Unis, allégeant le fardeau d’une dette nationale dépassant les 31 trillions de dollars. Cette mesure s’inspire des idées de Zoltan Pozsar, ancien analyste de Credit Suisse, qui proposait un tel mécanisme pour lier la politique économique à la sécurité nationale. -
Pressions via les tarifs douaniers
Pour forcer l’adhésion à cet accord, l’administration Trump utiliserait les tarifs comme une arme de coercition. Par exemple, des menaces de droits de douane élevés sur les importations chinoises ou européennes pourraient pousser ces pays à accepter la restructuration de la dette ou à coopérer sur la dévaluation du dollar. Cette stratégie rappelle la "diplomatie du dollar" envisagée par certains observateurs. -
Possible retour à l’étalon-or ou à des actifs tangibles
Certaines spéculations, notamment relayées par des commentateurs comme JD Breen, suggèrent que l’accord pourrait inclure une réindexation partielle du dollar sur l’or ou d’autres actifs tangibles (comme les cryptomonnaies ou les matières premières). Cela renforcerait la crédibilité du dollar tout en facilitant une dévaluation contrôlée.
Quelles implications pour les marchés financiers ?
L’émergence d’un "Accord de Mar-a-Lago" aurait des répercussions majeures sur les marchés mondiaux. Voici une analyse des impacts potentiels :
-
Marché des changes
Une dévaluation du dollar ferait grimper des paires comme l’EUR/USD ou l’USD/JPY. Dès février 2025, des rumeurs autour de cet accord ont propulsé l’EUR/USD au-dessus de 1,05, signe que les marchés anticipent déjà un affaiblissement du billet vert. Cependant, une dévaluation trop brutale pourrait déclencher une volatilité extrême et des sorties de capitaux massives dans des pays comme la Chine. -
Obligations et taux d’intérêt
La conversion des Treasuries en obligations à 100 ans sans coupon secouerait le marché obligataire. Les investisseurs pourraient perdre confiance dans la dette américaine, exigeant des rendements plus élevés sur les nouvelles émissions. Paradoxalement, cette restructuration pourrait aussi réduire les taux d’intérêt à court terme aux États-Unis, stimulant l’investissement domestique mais risquant une inflation galopante. -
Actions et secteurs sensibles
Les entreprises exportatrices américaines (comme Boeing ou Caterpillar) bénéficieraient d’un dollar plus faible, tandis que les importateurs (comme Walmart) souffriraient de coûts accrus. Les secteurs liés à l’or et aux matières premières pourraient également voir leurs valorisations exploser si un retour à des actifs tangibles se concrétise. -
Actifs alternatifs
Une perte de confiance dans le dollar pourrait accélérer l’adoption de "fiat alternatives" comme le bitcoin ou l’or. Des analystes, comme ceux d’Ascendant World Payments, notent que ces actifs ont déjà été évoqués comme des "stores of value" dans un contexte de reset monétaire.
Les défis et limites de cet accord
Malgré son ambition, l’"Accord de Mar-a-Lago" fait face à des obstacles majeurs :
- Résistance internationale : La Chine, principal créancier des États-Unis, pourrait refuser de convertir sa dette ou dévaluer le yuan, préférant une guerre commerciale à une capitulation. L’Europe, en pleine crise économique, pourrait également hésiter.
- Indépendance des banques centrales : Depuis les années 1980, les banques centrales (Fed, BCE, Banque du Japon) privilégient des objectifs domestiques comme l’inflation, rendant improbable une coordination monétaire à grande échelle.
- Risques pour le statut du dollar : Une dévaluation forcée pourrait éroder la position du dollar comme monnaie de réserve mondiale, avec des conséquences imprévisibles pour le financement du déficit américain.
Conclusion : un pari risqué mais plausible ?
L’"Accord de Mar-a-Lago" reste, à ce jour, une idée spéculative plus qu’un plan concret. Pourtant, comme le souligne Jim Bianco, président de Bianco Research, "il faut le prendre au sérieux, même si pas littéralement". L’administration Trump semble déterminée à bousculer le statu quo financier, et des éléments comme les menaces tarifaires ou la création d’un fonds souverain américain sont déjà en cours. Si cet accord voyait le jour, il pourrait redéfinir les équilibres économiques mondiaux, au prix d’une volatilité accrue et de tensions géopolitiques.
Pour les investisseurs, l’heure est à la vigilance : surveillez les signaux comme l’émission d’obligations ultra-longues, les discours sur la valeur du dollar ou les sommets internationaux. Wall Street ne cesse d’en parler, et pour cause : l’"Accord de Mar-a-Lago" pourrait être le prochain grand bouleversement des marchés.